Miroir, mon beau miroir, à quoi ressemble mon sexe ?

Mais à quoi ressemble mon sexe ?
Encore méconnu pour 35% des femmes elles-mêmes* (étude menée par le laboratoire Terpan en 2017, spécialisé dans les préservatifs féminins et masculins,), qui avouent n’avoir jamais aperçu leur clitoris… si on y réfléchit bien, le sexe féminin se la joue ‘discret’ depuis la fameuse feuille de vigne, Adam, la pomme, le serpent et tout et tout. Vous voyez ?
Comment appréhender son désir et sa sexualité quand on ignore à quoi ressemblent nos organes sexuels ? Malmené par des siècles de tabous, l’organe sexuel féminin retrouve aujourd’hui ses lettres de noblesse grâce à des femmes qui, à travers leur métier ou leur(s) initiative(s), décomplexent et envoient valser tous les mythes qui se sont construits des siècles durant. Elles donnent les cartes de ce continent qui reste à découvrir. A vos miroirs !

Le sexe féminin, un tabou qui a la dent dure

Longtemps caché, longtemps rendu tabou, le sexe féminin demeure une énigme pour nombre de femmes. Hier encore (à l’échelle du monde, 2011 c’était hier), il était impossible de poster l’œuvre audacieuse de Courbet, l’Origine du monde, (1866), sur Facebook (lien) sans voir son compte désactivé pour publication indécente. Mais que reproche Facebook à ce nu féminin de taille modeste dont la virtuosité relève du prodige ? Qu’y voit-on qui gêne tant ? Un corps de femme tronqué par le cadre, les cuisses écartées sur un pubis brun, sans artifice, en toute franchise, volontairement provocateur. Pas de visage, ni de bras, ni même de jambes – juste un éclat de chair au parfum de scandale. Voilà où le bât blesse, un sexe féminin bien réel dans sa crudité la plus extrême. Gustave Courbet rejetait les nus lisses, et évidemment idéalisés qui s’inscrivaient dans le cadre de la peinture académique de l’époque.
Mais quelle représentation la plus fidèle de l’origine de ce monde qui est le nôtre, tel que nous le connaissons, que le sexe et le ventre d’une femme, porteurs du secret de l’enfantement, de la vie et donc à l’origine de notre propre monde ?

La honte du sexe commence dès l’enfance chez la petite fille, affirme la sexothérapeute Cecilia Commo (lien) : « quand on est petite fille on ne voit pas notre sexe, contrairement aux garçons qui l’ont sous le nez tout le temps », rendant l’organe génital féminin mystérieux, laid, digne d’être éclipsé. Clarence Edgard-Rosa, autrice de « Connais-toi toi-même – Guide d’auto-exploration du sexe féminin » (éd. Broché, 2019) explique que notre société a tendance à vouloir maitriser ce qui est féminin : « On nous fait croire que le sexe féminin est, au pire, sale, ou au mieux, inintéressant. Il ne devient intéressant qu’en tant qu’objet, mais plus pour les autres que pour soi-même, et c’est un des biais dans lequel le sexisme ordinaire s’inscrit ».

D’ailleurs, encore aujourd’hui enseigner l’anatomie du sexe féminin ne va pas de soi, dans un rapport relatif à l’éducation à la sexualité publié le juin 2016 et remis à la Ministre de l’Education Nationale ainsi qu’à la Ministre des Familles, de l’Enfance, et des Droits des Femmes, on apprend qu’un quart des filles de 15 ans ignoraient qu’elles possédaient un clitoris et que 83% des collégiennes et  lycéennes méconnaissaient sa fonction.
On pourrait penser que le fait de se rendre chez le gynécologue dès que l’on devient une jeune fille aiderait à revendiquer l’appropriation de son propre corps en découvrant son fonctionnement ; mais contre toute attente les consultations médicales entraînent plus aisément une certaine distanciation entre notre sexe et nous « Cela participe de cette idée que c’est quelque chose que les médecins observent mais pas nous » explique Clarence Edgard-Rosa.

                             

 

Extrait de « Vous prendrez bien un petit Vagin tonic – Petit Guide décontracté de la foufoune  » par Lili Sohn

 

 

 

 

 

 

Explorer son sexe, dans quel but et comment ?

Dans son ouvrage « Connais-toi toi-même – Guide d’auto-exploration du sexe féminin » (éd. Broché, 2019), Clarence Edgard-Rosa commence par retracer l’histoire du mouvement « self help » créé aux États-Unis par des groupes féministes et des professionnelles de santé dans les années 70 encourageant l’auto-exploration. Elle consacre ensuite une partie de son livre à toutes les femmes contemporaines qui ont créé des ateliers issus de ce mouvement émancipateur et révolutionnaire. L’ouvrage se divise en 10 petits chapitres, chaque partie du sexe féminin y est abordée à travers des descriptions claires, enrichies par les dessins aussi précis qu’esthétiques de l’illustratrice Suzie Q.
Il s’agit véritablement d’une exploration, 10 petites portes à ouvrir dès qu’on le décide, au rythme où l’on souhaite.

L’auto-exploration serait une manière de se libérer de toutes les injonctions contradictoires diffusées et de reprendre le pouvoir de son propre corps en quelque sorte. « Dire que l’on s’observe et qu’on a le droit de s’observer, c’est un outil politique pour se réapproprier son corps et sortir d’un tas d’injonctions par rapport à notre sexe – sur le fait qu’il y ait un tabour sur les règles ou encore sur le fait qu’il y ait une inégalité dans le plaisir entre les hommes et les femmes », explique Cluny Braun du site Les Flux (lien), une initiative féministe pour la réappropriation des savoirs gynécologiques. Les Flux anime des groupes de parole et des ateliers notamment d’auto-observation où chaque femme observe sa vulve, son vagin et potentiellement le col de l’utérus afin de bousculer les normes et les tabous: « On propose un petit récapitulatif de ce que c’est, car parfois on ne l’a jamais regardé, parfois on l’a regardé sans savoir ce que c’était », détaille Cluny.
Cela permet également d’apprendre à se connaître, de savoir ce que l’on aime ou non et surtout d’appréhender comment fonctionne notre corps, en résumé le self-help place la femme dans une démarche active : « On a appris aux femmes à être dans une forme passive vis-à-vis de la sexualité, c’est quelque chose ‘qui nous arrive’, quelque chose qui ‘s’exerce sur nous’, et pour dépasser ce mythe, c’est important d’être dans une démarche active. Pour donner des vrais non et des vrais oui, » explique Clarence Edgard-Rosa.

Mais sommes-nous si ignorantes que ça lorsqu’il s’agit de sexe ? Il ne s’agit pas de nous flageller en pleurant sur nos absences de connaissances en la matière, il s’agit plutôt d’avouer que nous avons du mal à nous reconnecter avec ce que nous savons sur nous-même : « On a une difficulté à connecter le savoir empirique que l’on a sur notre corps et le savoir théorique ou ce que peuvent laisser apparaître les médecins », explique Cluny. « On sait des choses mais on ne les reconnaît pas comme valides, le vocabulaire utilisé est très médicalisé, et difficile à s’approprier ».
Médicalement parlant, cela permet également de connaître son corps, de comprendre notre cycle et de pouvoir en repérer des symptômes éventuels qui mériteraient d’être écoutés : « Quand on nous demande où on a mal, cela permet de pouvoir nommer les choses concrètement – ‘j’ai mal au niveau des petites lèvres ou de l’utérus etc.», ajoute Cluny Braun. Et Clarence Edgar-Rosa de terminer « les femmes à l’écoute du fonctionnement de leur corps sont des femmes qui sont sujettes à des diagnostiques plus précoces que les autres ».

Et pour toutes celles qui trouvent leur sexe pas très séduisant, on les invite vivement à lire « Connais-toi toi-même – Guide d’auto-exploration du sexe féminin » (éd. Broché, 2019) de Clarence Edgard-Rosa, elle parle amoureusement du sexe féminin avec une bienveillance généreuse: « On nous a tellement dit que c’était moche, que c’était sale, c’est presque une performance, les filles qui pensent que c’est beau dès le premier coup… » Et de conclure : « Notre œil a été éduqué à des images qui ne sont pas la réalité et il faut le rééduquer ».
Hop hop hop, en avant, la grande aventure !

 

 

 

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