Le mot orgasme est apparu tardivement mais le plaisir féminin est décrit depuis longtemps. Dès 1558, l’anatomiste Colombo nomme le clitoris, mot qui apparait pour la première fois. Colombo décrit surtout l’extraordinaire fonction érogène du clitoris qui a été reconnu par la médecine jusqu’à la fin du 19ème siècle. Le clitoris est l’organe du plaisir sexuel de la femme.
A cette période, la médecine soutenait l’antique pensée d’Hippocrate et de Galien où la femme devait avoir du plaisir sexuel pour être enceinte, et ce plaisir sexuel dépendait clairement du clitoris. Jusqu’à la fin du 19ème, l’Eglise catholique recommandait l’usage du clitoris dans le lit conjugal à des fins natalistes.
L’histoire de la sexualité humaine nous éclaire
Au 19ème siècle, dans les textes médicaux, le point culminant du plaisir féminin est souvent nommé le spasme vénérien. Le terme vénérien n’avait pas encore la connotation de maladie et signifiait sexuel. Le terme spasme vénérien était employé tant pour l’homme que pour la femme pour laquelle ce plaisir était d’origine clitoridienne.
Le terme de spasme vénérien est intéressant. En effet, le spasme désigne un événement court, intense, si intense que le corps est parcouru de spasmes, de courtes contractions involontaires. C’est bien connu chez l’homme, au moment de l’éjaculation et c’est tout à fait observable chez la femme au moment de l’explosion du plaisir clitoridien.
Mais cette connaissance du plaisir sexuel féminin a été contestée. En effet, à la fin du 19ème siècle, la science médicale admet que la procréation résulte de la rencontre du spermatozoïde avec l’ovule et que la présence de l’ovule dépend du cycle menstruel. Le spasme clitoridien n’est plus procréateur. Pire, il devient un ennemi pour la pensée nataliste[1] car la masturbation réciproque en couple était un moyen de contraception couramment utilisé. Et que pour le plaisir de la femme, le clitoris était connu comme la voie royale. Donc le clitoris devient une dangereuse possibilité de contraception.
Dès 1880, des médecins ont attaqué le clitoris. Mais le grand Exciseur psychique de l’Occident a été Freud. En 1905, il écrit : la petite fille connait son clitoris mais une fois pubère, il doit n’investir que son seul vagin. Puis en 1920, il affirme qu’une femme que continue à jouir de son clitoris n’est pas vraiment femme, qu’elle est restée petite fille, c’est alors une régression pathologique.
Etonnamment, la science médicale a cédé au dogme freudien et le clitoris a progressivement été de moins en moins bien représenté dans les traités d’anatomie : décrit sur 4 pages en 1920, le clitoris n’était qu’à peine cité sur 4 lignes dans les années 1960, point culminant de l’omerta clitoridienne et sexuelle et a disparu de tous les dictionnaires de cette époque ! Ce n’est pas si ancien et l’on comprend qu’il y ait encore des séquelles qui impactent une définition claire de l’orgasme.
Mais le pire est à venir : Freud ne s’arrête pas là et invente de toute pièce un autre concept : l’orgasme vaginal. En effet, il est attesté que le terme orgasme vaginal n’a jamais été utilisé avant Freud qui en est l’inventeur.
Le mot orgasme était peu utilisé auparavant, sa définition était un brusque excès, par exemple de colère, de tension artérielle … Freud récupère ce mot pour créer un concept d’orgasme vaginal, le seul, le vrai. En effet, les natalistes veulent salir et interdire toute pratique sexuelle non reproductive. Le terme de spasme vénérien était suspect pour eux car le spasme vénérien n’indiquait s’il y avait du sperme et surtout où aboutissait la précieuse semence reproductrice. Les natalistes rêvaient d’une définition où l’on est sûr que
le sperme aboutisse au plus près de l’ovule, dans le réceptacle vaginal. Les nataliste en ont rêvé, Freud l’a fait !
Dans les années 1950, le Dr Dickinson et le chercheur Kinsey ont démontré l’importance du clitoris pour le plaisir féminin, ils ont été laminés par la presse et la société civile. Masters et Johnson sont arrivés à la même conclusion, mais pour éviter la vindicte nataliste, ils ont maquillé leurs résultats.
Depuis, quasiment rien sur la définition de l’orgasme. La médecine sexologique soutient implicitement l’orgasme vaginal de Freud ce qui est paradoxal car la médecine se réclame de la science alors que Freud n’est qu’idéologie, à l’opposé de la science.
Vers une définition de l’orgasme
Masters et Johnson (USA 1950) ont étudié les réactions physiologiques de l’orgasme. Un des critères les plus constants est un brusque doublement du rythme cardiaque. Cette observation est assez facile à reproduire aujourd’hui grâce aux ceintures thoraciques des sportifs qui mesurent la fréquence cardiaque et qui peuvent même l’enregistrer avec les smartphones. Dans une enquête, nous a demandé aux volontaires de portés chez eux une ceinture cardio lors des différents ébats sexuels, tant en couple qu’en solo.
Les premiers résultats recoupent les travaux de Masters et Johnson : on constate un brusque doublement du rythme cardiaque au moment de l’orgasme éjaculatoire et de l’orgasme clitoridien.
Pour la femme, si l’orgasme est essentiellement clitoridien, quid de l’immense plaisir vaginal qui existe pour de nombreuse femmes ? Les enregistrements cardio montrent un léger ralentissement du rythme cardiaque lors des longues extases vaginales. Le bref orgasme clitoridien serait donc une mini crise d’épilepsie avec des spasmes et une augmentation cardio alors que les longs plaisirs vaginaux seraient plutôt comme une médiation, avec un ralentissement cardio.
C’est pourquoi nous proposons de nommer jouissance le long plaisir vaginal. Aujourd’hui, dans le langage courant, orgasme et jouissance sont plutôt synonymes, ce qui peut prêter à confusion. Pour nous, l’orgasme est clitoridien et la jouissance vaginale.
La question n’est pas de hiérarchiser les deux extases sexuelles, mais de mieux les comprendre, de mieux les définir pour avoir des mots pour en parler, en couple, entre amis, entre générations. Les deux extases sont intiment liées et interagissent en synergie sur le plaisir et la vitalité sexuelle de la femme.
C’est un peu comme boire et manger : les deux sont intiment liés, personne ne choisit exclusivement l’un ou l’autre ! Par contre, il est intéressant d’avoir des mots pour en parler, pour dire si l’on prend le verre ou la fourchette.
La fonction des extases sexuelles
Au-delà du plaisir, l’orgasme permet d’apaiser temporairement la libido. Pour beaucoup d’hommes, la libido monte progressivement puis elle a besoin d’être résolu par l’orgasme, par l’apaisement qu’il procure.
La majorité des femmes a le même comportement : l’orgasme clitoridien leur permet de résoudre, d’apaiser leur libido.
La jouissance vaginale joue souvent un autre rôle, celui de remplir, de nourrir affectivement les femmes.
L’orgasme clitoridien est plutôt mécanique, comme pour l’homme, alors que la jouissance vaginale est plutôt affective.
L’homme connait dès l’adolescence l’orgasme par la masturbation. Souvent, l’auto-sexualité de l’adolescent est une course vers l’orgasme. Une fois adulte, il peut enrichir sa sexualité en cultivant sa jouissance, un plaisir sexuel en dehors de la montée vers l’orgasme. Pour cela, il lui faut être calme, paisible car son gland, très sensible comme le clitoris, est toujours au centre de l’action donc stimulé. Un beau parcours pour enrichir les jeux sexuels.
[1] Le mouvement nataliste veut un taux de natalité important.